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Les addictions = un "problème" à "régler"? Et par qui?

Le point de vue et expérience de Mokka - Thérapeute addictologie - Psychopraticienne et (ancienne mais toujours) Infirmière

- Trop nombreux sont les collègues psys qui m'adressent "leurs" patients pour ''une addiction'' - donc pour un symptôme qu'ils considèrent comme isolé dans l'accompagnement mais qui les gène dans le suivi du "reste"...donc dont je dois les débarrasser pour qu'il puissent continuer leur thérapie...

Comment pourtant serait-il possible de séparer un comportement devenu problématique, une prise de substances psychotropes* de ses racines qui les ont souvent fait naître ? 

Ne parlez-vous toutes et tous d'une prise en charge globale?

Est-ce que nous voulons être thérpeutes de symptômes ou accompager des personnes pour déblayer ce couvercle résistant qui leur "permet" de ne pas regarder l'origine, la soufrance, ce noeud qui leur fait mal...

        * que je ne sépare pas en licites ou illicites, l'alcool étant une des drogues les plus puissantes.

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- Trop nombreux sont aussi les patient-es qui viennent avec cette demande: tu t'occupes de "mon addiction" et sinon j'ai un suivi therapeutique... mes réponses sont évoquées ici.

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- Trop nombreux sont les membres de famille et d'entourage qui envoient "leur addict" chez un thérapeute pour qu'ils "réglent" leur problème - ou encore mieux que le thérapeute le "règle" à leur place... sans se poser la question de leurs propre rôle dans ce système. 

Mais eux - contrairement aux collègues - ne savent pas ou ne peuvent pas toujours savoir que bien souvent il s'agit d'une question de fonctionnement commun, de place de chacun plutôt que seulemnent de comportement voire de consommation problèmatiques de ''leur addict''.

Concernés et touchés de leur côté ils ne comprennent pas toujours qu'ils ne peuvent pas prendre la décision pour l'autre - leurs conjoint-es, parents, ''enfants'' adultes qui mènent leurs vies par ailleurs.

Parce qu'ils ne sentent pas forcément qu'ils ont besoin d'aide eux aussi - aide que je veux bien leur proposer du moment qu'il s'agit d'eux-mêmes et de leur rôle dans l'affaire et non pour parler de "leur addict"...

Et combien de fois il arrive - quand le patient ainsi envoyé rentre après une première séance et fait son compte-rendu sagement à l'autre comme elle/il le lui demande - qu'il s'entend dire par les proches de changer de thérapeute parce que mon approche risque de mettre leur propre place/pouvoir en péril tel que...

Ces patients-là restent avec moi en général...car ils comprennent vite l'importance de leur contexte actuel.

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Et les patients/es mêmes qui vienent pour un malaise de vie ou mal-être ?

Qui viennent pour une perte de liberté ou de maîtrise suite à des comportements ou consommations qui commencent à devenir des addictions en ce sens qu'ils ne les gèrent plus parce que ces symptômes prennent toute la place: 

cette substance qu'on prend et celle qu'on ne prend pas aujourd'hui mais qui est là de toute façon!

La substance ou le comportement devenu difficile sont là mais qui contrairement à l'avis souvent 'général'  ne devraient pas figurer dans la catégorie "vice", "mauvaise habitude" etc mais comme étant symptôme masquant des difficultés et des vécus passés ou actuels, des EMOTIONS qui n'y trouvent pas leur place légitime , bref des situations auxquelles ils semblent servir de solution - boulot qu'elles ont assuré au fait jusqu'alors.

Là aussi arrivent deux sortes de patients: ceux qui veulent "régler leur addiction" - qui pour eux se gère en termes de score, de jours 'tenus', de descente ou de nombre gueules de bois, de black-out évités ou pas...etc. ("oui mais je n'en suis pas là quand même")

Ils viennent comme on va chez le dentiste pour une rage de dents qui a tendance à se manifester de manière répétitive: quand j'ai mal je l'appelle qu'elle me soigne vite (surtout!) et quand je me sens mieux pendant quelques jours, je n'ai pas besoin d'y aller, j'attends la prochaine fois que j'ai mal...

Et pourtant ne sont pas le plus riches les séances où le patient arrive en disant et croyant qu'il n'a rien à dire cette fois-ci...?

Mais la tendance dans ce cas-là d'annuler à la dernière minute est fréquente, confortable et parlant puisque sans effort supplémentaire - mécanisme que j'accepte de moins en moins dans le chemin de l'accompagnement.

Parce que non (malgré mes connaissances particulières sur le sujet) je ne suis pas technicienne des produits ni de comportements décrits comme "mon addiction", je n'apprends pas aux patients une "consommation normale ou raisonnable" parce que j'ignore ce que cela peut être. Et ce non vaut pour les collègues, l'entourage qui oriente comme pour le patient qui cherche cet apprentissage net (ou brut?)

 Je ne suis pas non plus gestionnaire de "craving" - cette fameuse notion qui serait seulement liée au 'sevrage' et dont personne ne nous a jamais expliqué qu'elle là AVANT notre rencontre avec la solution - autant qu'APRES même quand son lien avec un mal-être est coupé ou a pris une autre fonction.

 => Là il s'agit de cette émotion désagréable qui nous fait toutes et tous simplement ressentir et dire qu'à ce moment-là on aimerait bien se sentir différemment voire mieux...le plus rapidement possible évidemment.

Ce qui ne veut pas dire que des solutions à court terme pour calmer ces moments d'impatience, de mal-être ne feraient pas partie de ma prise en charge également. 

Tout échange a sa place à sa bonne place!

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Donc toujours le même discours:

Sur une construction imcomplète chacun trouve sa solution pour remplir les fissures et la méthode trouvée devient une habitude, un réflex: actifs dans le présent de chacun pour toute sorte de difficultés - appris et adoptés au cours de sa propre histoire.

Cette solution a fait ses preuves, elle est fiable - au quotidien autant que concernant la ligne de vie entière - jusqu'au moment où elle ne l'est plus... 

Pour ceux qui se droguent à la NORME comme stratégie ça peut devenir ce qu'ils appellent le burn-out à la 50aine parce que cette solution ne fonctionne pas non plus sans réflexion et adaptation constante  ... ce qui me semble bien illustrer la fonction de nos moyens mis en place par tout un chacun.

Sauf que l'un est accepté et acceptable et l'autre devient "la faute".

Ce qui amène au premier changement de regard, début d'un processus et non d'une "gestion de problème" : déculpabilser et déposer la honte, la culpabilité et les reproches de l'extérieur que le patient a bien intégrés à force et dont il a fait 'sien'...dans un coin du cabinet et qu'ils y restent!

Bien sûr et jamais dans ce mouvement je mets une personne devant une interdiction - qu'elle attend pourtant souvent urgemment en premier secours - jamais je regarde les quantités de consommation (sauf si beoin d'un point de vue para-médical, ancienne infirmière oblige - et j'ai la chance d'avoir des grands médecins à mon soutien).

Jamais je leur 'ordonne' l'abstinence - je leur propose de trouver leur propre CHOIX qui parfois en effet peut commencer par une pause.                                                                       - - Pause qui peut leur permettre de se rencontrer avec eux-même sans "protection" sur une trajectoire qui souvent ne leur a jamais permis d'être "sans". 

Sans oublier d'évoquer une fois de plus cette notion de choix qu'ils mettent souvent du temps à comprendre vraiment comme possibilité réélle. Puisque ni leur "addiction" ni leur entourage leur laisse beaucoup de choix au moment X.

Car là aussi sur cette pause, on ne "tient" pas - on choisit - oui, un jour à la fois comme les vieux AA pour cumuler les moments d'abstinence qui ensuite peut se transformer en usage de choix ou non. 

On ne sort pas d'une addiction, on essaye de trouver une autre porte d'entrée où la consommation ou le comportement devenus un sujet dominant n'ont plus de place ou plus la même en tous les cas. 

L'abstinence est loin d'être mon dogme (même si elle est mon choix de vie personnelle - et une possibilité qui mérite mieux que le mépris comme souvent exprimé)

Elle se vit en fonction de ce qu'on a et de ce qu'on est: mais en aucun cas elle est - ni totale ni 'relative' - un objectif en soi mais un outil, le tremplin vers un univers qui s'ouvre sur ce chemin qui reste le nôtre - puisqu'on n'a pas dévié, on y est. Sur ce point là je ne me satisfais sincèrement pas de l'approche des AA/NA etc qui me paraît limitée sur l'abstinence parfois.

Dans ce nouvel univers qu'on cherche à trouver/découvrir et habiter la réduction des risques, l'hypnose, l'EMDR, la traumapsycho, aide médicamenteuse etc sont des moyens et compagnons que je propose volontiers (des orientations bien sûr). Sur ce terrain-là on peut continuer un accompagnement vers un CHANGEMENT, avec ces outils qui ouvrent d'autres portes.

Mais ces moyens divers et variés peuvent aussi se choisir ensemble et ne devraient pas devenir comme c'est souvent le cas une alternative amenée sous forme de provocation par les patients ("de toute façon je vais essayer ça"!)  parce que le changement ne se réalise pas assez vite pour eux: évidemment puisqu'il sont habitués que la solution vient de l'extérieur. Tout tout de suite comme nous toutes et tous!

Si c'est NON aux injonctions (non pas thérapeutiques, je ne parle pas politique) imposées par l'environnement ou soi-même, ni fondées sur la dernière descente gérée donc aujourd'hui 'je m'en suis sorti" voire "je suis sobre"... c'est NON aussi à toute sorte d'aide qui dédouane ou même prive le patient de tout engagement proposé et accepté par lui-même. 

Est-ce que ce n'est pas seul à l'intérieur de l'acception de nos propres limites que nous pouvons enfin commencer à rêver et vivre la liberté?

La liberté qui n'accorde plus d'importance à ces ressentis/émotions: "je ne veux pas être considéré comme celui qui ne consomme pas"... (avec quand même l'alternative de "vouloir être considéré comme celui qui consomme"). Rien à rajouter de mon côté!

L'addiction pour moi n'est pas un "problème" qui se "gère" pour enfin faire de la place à autre chose mais une dynamique sur laquelle on peut continuer à se structurer - soi-même et son chemin.

Ce qui vaut pour l'entourage de la même manière: laissez-nous ce vide qui s'ouvre à nous pour en faire quelque chose sans suivre vos bons conseils. 

Car il est important plutôt que l'entourage commence à s'occuper de ce, leur vide que leur laisse "leur addict" qui se libère de ce carcan à tous niveaux...et qui n'a plus besoin d'eux de la même manière. 

(voir la belle phrase de John Lennon ci-dessous)

Et tout cela n'engage que moi et mon approche de thérapeute (qui ai vécu cette aventure aussi de l'intérieur)

Mokka


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